Après la Seconde Guerre mondiale, une très grande majorité des communes rurales de France s'alimentait en eau potable sur des puits privés ou des fontaines publiques. Seules les grandes agglomérations étaient alimentées par des réseaux d'eau potable généralement exploités par des sociétés privées et celles-ci n'étaient pas très volontaires pour réaliser les investissements énormes et peu rentables permettant d'apporter ce service public indispensable dans les campagnes.

La création du SIDEN (Syndicat Intercommunal d'Eau du Nord), résulte d'une volonté forte des élus du Département du Nord d'apporter ce service aux très nombreuses communes rurales qui ne disposaient pas d'un réseau d'eau en 1950. L'organisation de ce syndicat public, basé sur l'intercommunalité, la mutualisation des moyens et un tarif unique de l'eau potable a permis, avec le soutien financier important du Département d'assurer, en un peu plus de vingt ans la desserte des 405 communes adhérentes, soit 427000 habitants, en eau potable de qualité.

À la fin des années 1980, des problèmes de sécheresse et de qualité d'eau, provoquant la baisse de production ou l'arrêt de certains captages, sont apparus alors que le nombre de communes adhérentes et donc d'habitants à desservir, continuait d'augmenter. Les élus du SIDEN ont alors décidé de mettre en œuvre une politique globale de sécurisation de l'alimentation des quatre cent cinquante-quatre communes alors adhérentes dans le Nord : le projet qui prendra suite à un article de presse, le nom d'Autoroute de l'eau était né.

Ce projet extrêmement ambitieux consistait à interconnecter tous les champs captants importants du territoire sur environ 200 km du Nord-Ouest au Sud-Est et à en développer de nouveaux afin que chaque commune dispose d'une alimentation de secours en eau de qualité.

Ce grand chantier a démarré en 1989 dans l'extrême Nord de la France et a fait l'objet de trois phases pour atteindre la commune de Pecquencourt en 2004.

La programmation du dernier tronçon de cette Autoroute de l'eau a été décidée en 2009 pour un montant de travaux estimé à 50 millions d'euros. Cette partie d'environ soixante-quinze kilomètres et dénommée Liaison Avesnois-Pecquencourt consiste à relier les champs captants de la Forêt de Mormal et du bassin de la Sambre à Pecquencourt tout en sécurisant, au passage, l'ensemble des secteurs du Cambrésis et du Valenciennois sur lesquels sont récemment apparus des problèmes de dégradation de la qualité d'eau sur plusieurs paramètres (nitrates, pesticides,...). L'Agence de l'Eau a reconnu l'intérêt régional de ce projet en accordant une subvention de quinze millions d'euros.

Ce projet dont l'étude du tracé avait débuté dès 2003, a fait à partir de 2010 l'objet d'une instruction par les services de l'État, l'Office National des Forêts et les nombreux organismes concernés, avant d'être autorisé après enquête publique par arrêté préfectoral le 1er octobre 2012.

En parallèle de ce volet réglementaire, comportant notamment une étude d'incidence Natura 2000 (réseau européen) avec un important volet concernant la faune et la flore du territoire traversé, les services de Noréade ont engagé une très large concertation avec la profession agricole concernée par environ deux tiers du tracé. Cette concertation a abouti à la signature d'un protocole d'accord avec la Chambre d'Agriculture du Nord, la FDSEA et le syndicat de la propriété privée rurale du Nord afin de définir des règles (emprise, tri des terres extraites, …) permettant de limiter l'impact des travaux sur l'activité agricole pendant et après passage de la canalisation et de prévoir des indemnisations adaptées. Une convention est également passée avec le Parc Naturel Régional de L'Avesnois pour le suivi des travaux sur le secteur bocager et notamment pour la replantation des haies détruites lors des travaux. Notre objectif était de laisser le moins de trace possible tant dans le paysage que dans les esprits...

La pose des canalisations a débuté en juin 2013 après des appels d'offres par lots d'environ six kilomètres. Le chantier a concerné trente-deux communes, plus de six cent propriétaires de parcelles et cent vingt exploitants agricoles. Les dernières canalisations ont été posées en mai 2016 et les traces de notre passage sont désormais effacées sur la quasi-totalité du tracé et de nombreux chemins difficilement praticables avant les chantiers sont désormais tout à fait utilisables. Il nous reste cependant à régulariser les servitudes avec certains propriétaires et à procéder aux dernières indemnisations.

Actuellement, les travaux continuent avec l'équipement de huit forages existants qui nécessite un traitement avant leur mise en service, la réalisation de l'usine d'eau potable permettant d'assurer ce traitement et la construction de deux réservoirs de 3000 m3 au point le plus haut de la forêt de Mormal qui permettront d'alimenter, sans aucun pompage, cet aqueduc en acier de 700mm de diamètre et les différents châteaux d'eau situés sur son tracé.

Ce projet stratégique pour Noréade, la Régie du SIDEN-SIAN et notamment ce dernier tronçon, occupe une place très particulière dans mon histoire personnelle. En effet, mon projet de fin de cycle à l'École Universitaire des Ingénieurs de Lille en 1991 avait pour thème : La recherche d'eau potable dans la plaine alluviale de la Sambre. À cette occasion, j'avais pu mettre en évidence à l'aide de sondages géophysiques, la proximité du socle calcaire datant d'environ 300 millions d'années et potentiellement aquifère.

Cette étude, réalisée en partenariat avec l'Université de Lille 1, l'Agence de l'Eau Artois Picardie et le SIDEN m'a conduit à un recrutement au Bureau d'étude de ce dernier, dès l'obtention de mon diplôme d'Ingénieur en 1992. J'ai pris la direction du centre SIDEN du Quesnoy un an et demi plus tard et j'ai ainsi pu poursuivre le travail de prospection dans ce secteur avec l'Hydrogéologue du SIDEN jusqu'à la réalisation effective de nombreux forages dans l'environnement préservé de la forêt domaniale de Mormal.

J'ai participé activement, à partir de 2003, au choix du tracé de la Liaison Avesnois-Pecquencourt et c'est à cette époque que nous avons également fait le choix de quitter la Métropole pour venir nous installer, en famille, en bordure de cette magnifique Forêt.

Aussi, quand Benoît Ménéboo m'a fait part de son envie insolite de réaliser un projet artistique sur le thème de cette Autoroute de l'Eau et de la mise en fonction du champ captant de la forêt de Mormal, dont les travaux débutaient, c'est avec beaucoup d'enthousiasme que je lui ai donné accès aux très nombreux chantiers. Aujourd'hui, je suis extrêmement heureux que les nombreuses heures passées et les images réalisées sur le terrain, avec son regard artistique et décalé, permettent d'aboutir à ce premier projet d'exposition croisée avec un autre travail entrepris par ce même artiste sur le thème de l'eau au Mexique.

Antoine Simon, ingénieur et Directeur de centre de Noréade, régie du SIDEN-SIAN